AIDER A AIDER
6 juin 2017 Strasbourg (France)

Axes de réflexion

Cet atelier fait suite à celui intitulé « La notion d'aide en contexte numérique » qui a eu lieu le 2 juin 2015 (EIAH 2015, Agadir). Il a permis de rassembler des membres de cinq laboratoires de recherche français, pour la présentation des travaux pluridisciplinaires portant sur la notion d’aide en contexte d’apprentissage. Suite à cette première rencontre, une journée d’étude soutenue par ORPHEE/ATIEF a été organisée à Paris le 20 novembre 2016. Elle a abouti à la constitution du groupe « Aiduc », composé aujourd’hui de 17 enseignants-chercheurs et doctorants. L’atelier proposé dans le cadre d’EIAH 2017 a pour objectif de poursuivre le travail collectif entamé. 

Depuis les travaux classiques de Vygotski et de Bruner notamment, il est désormais bien établi que l’aide constitue un élément central dans la construction des savoirs, savoir-faire et savoir-être. L’aide – qui peut se définir comme un processus grâce auquel un adulte ou un « spécialiste » vient en aide à quelqu'un de « moins adulte » ou « moins spécialiste » que lui – apparaît comme un moyen essentiel de soutenir, d’accompagner ou d’étayer la progression des apprenants. 

Dans la célèbre étude de Wood, Bruner et Ross (1976), une tutrice aide des enfants à construire une pyramide à trois dimensions. Selon les auteurs (cf. aussi Bruner, 1983, 1985), l’interaction de tutelle observée entre la tutrice et les novices a mis en évidence plusieurs fonctions d’étayage ayant pour objectif d’aider les novices à résoudre seuls un problème qu'ils ne savaient pas résoudre au préalable. La notion d'étayage est ainsi intimement liée à celle de la zone proximale de développement de Vygotski (1962, 1985), déterminée par la distance entre ce que l’enfant peut réaliser seul (c’est-à-dire ce qui est acquis) et ce qu’il est capable d’atteindre lorsqu’il est assisté par quelqu’un de plus compétent. Le développement du numérique nous amène à réinterroger cette distance, à travers un questionnement scientifique portant notamment sur les stratégies d’action et d’instrumentation des protagonistes de l’interaction d’aide (cf. Rabardel, 1995). 

Dans ce contexte, où l’importance de l’aide en contexte d’apprentissage n’est plus à démontrer, il nous semble essentiel de nous pencher sur les conditions de travail des aidants, c’est-à-dire ceux qui viennent en aide aux autres (enseignants mais aussi formateurs, formateurs de formateurs, pairs, etc.) : peut-on les aider à bien (ou mieux) aider ? Les articles proposés pourront aborder cette problématique à travers plusieurs axes de réflexion :

Axe 1 : Aider à aider pour répondre à des besoins 

Une aide peut être destinée à un public tout-venant ou encore répondre à des besoins spécifiques (cf. personnes en situation de handicap sensoriel, physique ou mental, en difficulté scolaire, en prison, à haut potentiel intellectuel, ne pouvant se déplacer, etc.). Aider les aidants à concevoir, dispenser et évaluer leurs aides, qu’il s’agisse de dispositifs durables ou d’aides ponctuelles, constitue une problématique à part entière. La source de l’aide (Puustinen & Rouet, 2009) peut ainsi être questionnée dans les raisons qui sous-tendent son existence (proposée ou imposée) par le système, être proactive, c’est-à-dire construite en amont de toute interaction, ou réactive, c’est-à-dire construite en aval des interactions (Gerbault, 2006), etc. 

Par cet axe, l’enjeu est de donner une visibilité aux différents besoins des aidants dans leurs fonctions d’accompagnateur ainsi qu’à la forme des réponses fournies à ces besoins. 

Axe 2 : Aider à aider à travers un lexique et des types d’aides 

Dans les dispositifs de formation, l’aide peut prendre la forme de guidages, d’accompagnements, de conseils, d’avis, etc. Par cet axe, nous souhaitons échanger sur : 

  • le lexique (aide, guide, mode d’emploi, accompagnement, ressource, information supplémentaire, etc.) utilisé par les différents acteurs impliqués dans la démarche d’aide ; 
  • les types d’aides (proactives, réactives, numériques/technologiques/humaines, envisagées/proposées réellement), individuelles ou personnelles (Duthoit, Mailles-Viard Metz, & Pélissier, 2012). 

Par cet axe, l’enjeu est de donner de la transparence à cette notion, de rendre visible l’invisible (Richterich, 1996), de spécifier ce rapport flou entre aide, apprentissage, entraide, accompagnement, guidage, etc., afin d’aboutir à la mise en place des questionnements de fond sur cette notion. 

Axe 3 : Aider à aider avec les Humanités Numériques 

Les Humanités Numériques, ou Humanités Digitales, sont à la fois un domaine de recherche et un domaine d’enseignement et d’ingénierie. Elles croisent l'informatique avec les sciences humaines et sociales et visent la diffusion, le partage et la valorisation du savoir issu notamment des recherches scientifiques. Certains auteurs désignent les digital humanities comme une « transdiscipline » (Le Deuff, 2014, p. 56) car il ne s’agit pas d’un « champ unifié mais d’une mosaïque de pratiques convergentes »1. 

Dans ce contexte, l’enjeu est de voir comment ces humanités peuvent aujourd’hui nous aider à aider (accompagner) au mieux les acteurs impliqués dans un dispositif d’aide (humaine et/ou numérique). De cette réflexion pourront naître de nouveaux métiers (être aidant) ou de nouveaux rôles associés à cette notion d’aide à l’ère du numérique.

Ces trois axes montrent l’intérêt d’une réflexion commune entre des chercheurs issus de plusieurs disciplines : des sciences de l’éducation à l’informatique en passant par la psychologie, la sociologie, les sciences de l’information et de la communication, les sciences du langage et les sciences cognitives. L’atelier par les échanges et la poursuite du travail engagé précédemment participent à la construction de perspectives de recherches pluridisciplinaires nouvelles sur la thématique de l’aide.

 

Bibliographie

Bruner, J. (1983). Le développement de l’enfant : savoir faire, savoir dire. Paris : PUF. 

Bruner, J. (1985). Child's talk: Learning to use language. Child Language Teaching and Therapy, 1(1), 111-114. 

Gerbault, J. (2006). Interactions et aides : potentiel, pertinence et personnalisation. In A.-L. Foucher, M. Pothier, C. Rodrigues, & V. Quanquin (Eds.), La problématique des aides à l’apprentissage, Cahier du LRL, n° 2, pp. 14-15 (Actes du colloque TICE et Didactique des Langues étrangères et Maternelles : la problématique des aides à l’apprentissage, Université Blaise Pascal Clermont 2, septembre 2006). 

Duthoit, E., Mailles-Viard Metz, S., & Pélissier, C. (2012). Processus d’aide en contexte d’apprentissage : une adaptation pour individualiser et personnaliser. Sciences et Technologies de l'Information et de la Communication pour l'Éducation et la Formation (STICEF), n° 19 (n° spécial « Individualisation, personnalisation et adaptation des Environnements Numériques d’Apprentissage »). http://sticef.univ-lemans.fr/classement/speciaux.htm#Individualisation12. 

Le Deuff, O. (Dir.). (2014). Le temps des humanités digitales. La mutation des sciences humaines et sociales. Limoges : FYP éditions, coll. Société de la connaissance. 

Puustinen, M. & Rouet, J.-F. (2009). Learning with new technologies: Help seeking and information searching revisited. Computers & Education, 53, 1014-1019. 

Rabardel, P. (1995). Les hommes et les technologies. Approche cognitive des instruments contemporains. Paris : Armand Colin. 

Richterich, R. (1996). La compétence stratégique : acquérir des stratégies d’apprentissage et de communication. In H. Holec, D. Little & R. Richterich (Eds.), Stratégies dans l’apprentissage et l’usage des langues (pp. 41-76). Strasbourg : Conseil de l’Europe. 

Vygotsky, L. (1962). Thought and language. MIT Press. 

Vygotsky, L. (1985). Pensée et langage Paris : Editions sociales. 

Wood, D., Bruner, J. S., & Ross, G. (1976). The role of tutoring in problem solving. Journal of Child Psychology and Psychiatry, 17, 89-100.

 

Mots clés : 

aide, aidant, aidé, dispositif d’aide, stratégie d’aide

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